Patrice Pecqueur, J’ai naturellement décidé de « passer la main »
Interview de Patrice Pecqueur
entraineur emblématique de Bordeaux
Après 15 saisons passées à la tête de l’équipe masculine de l’Union St-Bruno et 16 au total à l’USB, Patrice Pecqueur a décidé de mettre un terme à sa carrière d’entraineur. « La boucle est bouclée » comme il l’a déjà dit en s’amusant d’avoir joué son premier match de coach sous les couleurs de Bordeaux face à Douai, en Nationale 1, en 2006 et son dernier face à cette même équipe en 2021 en élite. Pour la petite histoire, c’est à Douai qu’il a appris à nager, plus jeune, et fait ses premiers en tant que joueur de Water-Polo. En tant qu’entraîneur il aura connu des descentes en Nationale 2, puis des montées en Nationale 1 et surtout en élite qui était une grande première pour le club bordelais.
Nous l’avons contacté afin qu’il revienne sur toutes ces années passées à Bordeaux.
France Water-Polo : Une saison bien difficile pour Bordeaux, même si des progrès notables sont apparus tout au long la saison. Quel bilan tires-tu de ce passage en élite ?
Patrice Pecqueur : C’était une première expérience pour le club. La saison aura été compliquée mais riche en enseignements. Compliquée car l’on sort avec autant de défaites que de matchs joués. Nous savions avant le démarrage du championnat qu’il était probable que nous terminerions avec zéro point au compteur. Mais au fil des matchs, l’esprit de compétition a repris le dessus laissant place à de la déception. Nos matchs à Montpellier ou contre Reims et Nice à domicile ont montré que nous n’étions pas si loin du niveau requis pour bien figurer dans la division. J’ai assisté à de bonnes, voire de très bonnes, séquences de jeu au cours d’un bon nombre de nos matchs. Mais à ce niveau, les erreurs se payent « cash » et nous avons aussi connu des moments délicats où l’équipe n’était pas du niveau de la division. La différence s’est souvent faite lors des troisièmes périodes où nous avons souvent volé en éclats. J’ai deux explications à cela. La première est que l’équipe n’avait pas le volume d’entraînement suffisant même si les joueurs ont fourni des efforts par rapport à la dernière saison vécue en N1. Il est aussi vrai que nous avons repris l’entraînement tardivement, que nous avons dû couper durant deux semaines en octobre (piscine fermée par arrêté préfectoral) et que nos deux dernières sorties ont été perturbées par la Covid. La seconde explication est liée au manque d’expérience d’une bonne partie de l’effectif. En clair, « le banc » n’était pas assez solide pour tenir le régime imposé par nos adversaires. En dernier lieu, on peut faire un constat simple, une lapalissade, une équipe composée en bonne partie de joueurs amateurs encadrée par un staff bénévole ne peut pas suivre la cadence dans un championnat qui s’est fortement professionnalisé ces dernières saisons.
FWP : Est-ce que Bordeaux sera en élite la saison prochaine ?
PP : Le club a plaidé pour un maintien « sur tapis vert » dans la mesure où le championnat de N1 n’a pas pu se tenir. Les dirigeants attendent la réponse de la FFN mais préparent l’exercice suivant comme si l’équipe allait de nouveau évoluer en Élite. Si la Fédération venait à appliquer le règlement, l’équipe ferait partie des favoris pour le titre de N1 Masculine. D’un point de vue plus personnel, j’espère que Bordeaux retrouvera l’Élite rapidement. Je pense que le développement du water-polo passe par la présence des métropoles au plus haut niveau national. Nous avions fait le pari du développement inversé. S’il n’est pas tout à fait gagné, il n’est pas perdu pour autant. Un maintien permettrait de poursuivre le travail engagé cette saison.
FWP : On a appris que tu allais quitter la tête du banc de l’USB après 15 ans. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
PP : Comme je l’ai dit plus haut, en tant qu’entraîneur bénévole, j’ai atteint mes limites. Je ne suis plus en capacité de faire évoluer cette équipe. J’ai donc naturellement décidé de « passer la main » à un entraîneur de métier. J’ai également pris en compte d’autres raisons qui me sont personnelles. Le temps était donc venu pour moi de tourner la page.
FWP : Quittes-tu définitivement le club ?
PP : Quitter le club après y avoir passé 15 ans comme entraîneur n’aurait pas de sens. Je vais présenter ma candidature au conseil d’administration de l’Union Saint-Bruno. Une association qui compte plus de 7000 adhérents dans le centre d’une ville de la taille de Bordeaux, ce n’est pas rien ! Le milieu du water-polo ne s’en rend globalement pas compte mais l’USB est une association incontournable à Bordeaux. Si les Marseillais connaissent le CNM, les Bordelais connaissent l’Union Saint-Bruno, cela même si les résultats sportifs et les objectifs des deux structures sont différents.
FWP : L’USBB a-t-elle des pistes pour te remplacer ?
PP : La réponse est oui ! Nous étions en contact avec Marc Amardeilh qui a finalement signé à Strasbourg. L’identité du nouvel entraîneur devrait être dévoilée courant juin.
FWP : De la descente en Nationale 2 à la montée en Élite, tu as connu beaucoup de choses avec Bordeaux. Quel est ton meilleur souvenir ?
PP : Le titre de N2 en 2014-2015 avec « ma petite armée mexicaine » ! Les joueurs concernés comprendront. Ceci-dit, je garde beaucoup de bons souvenirs. Nos tournois de début de saison du côté de Bilbao notamment, « notre coupe d’Europe à nous ! »
FWP : Et ton pire souvenir ?
PP : Difficile à dire car j’ai tendance à les oublier. Il y a un souvenir qui me reste cependant en travers de la gorge, c’est celui de notre défaite à Limoges en 2015-2016, défaite synonyme de descente en N2. Il y a des moments où tu ne maîtrises pas tout, même si ton équipe est meilleure que l’adversaire le jour J.
FWP : Y a-t-il des personnes (joueurs, staff, bénévole) qui t’ont marqué plus que d’autres ?
PP : Difficile de dégager un nom pour chacune des trois catégories car au gré des saisons, j’ai eu l’occasion de faire de vraies belles rencontres. Allez, je me lance. Un joueur, Stéphane Blain. Le sens du collectif et un courage à tout épreuve, aussi bien dans l’eau qu’en dehors. Un assistant, Xavier Zenoni. La loyauté, la régularité et une envie constante de progresser. Un bénévole, Pierre-Marie Lincheneau, pour son dévouement au club (c’est un euphémisme !), ses qualités humaines et sa complexité.
FWP : Te reverra-t-on un jour revenir dans le monde du water-polo ?
PP : Il m’est difficile d’être catégorique mais c’est très peu probable. Je pense avoir fait le tour du sujet concernant un milieu qui ressemble de beaucoup au village d’Astérix le Gaulois. Je forme le vœu qu’un jour le water-polo français puisse enfin parler d’une seule voix pour faire avancer sa cause. Si la somme des intérêts particuliers ne contribue généralement pas à l’intérêt général, ce dernier est , au contraire, de nature à avoir un impact positif sur le plus grand nombre. J’espère que les « grands clubs » comprendront cela un jour.
FWP : Comme tu le sais, nous avons une fâcheuse tendance à terminer nos interviews par la question « vachement con ». Est ce plus dur d’être joueur ou entraîneur ?
PP : Cette question est tout sauf vachement con. Elle a du sens. Pour ma part, j’ai préféré ma carrière de joueur à celle d’entraîneur. Mais si j’ai ce sentiment, c’est en grande partie grâce à mes entraîneurs. J’espère donc que la majorité des joueurs que j’ai vu défiler pendant ces 15 saisons auront pris du plaisir à jouer au water-polo sous ma direction.