Mathieu Peisson et Dani Ballart, plus qu’une histoire de joueur et d’entraîneur
Interview croisée de Dani Ballart et Mathieu Peisson
entraineur et joueur de Sant Andreu (Espagne)
réalisée par France Water-Polo
Les deux hommes se connaissent bien et semblent aimer travailler ensemble. Ils avaient d’abord été coéquipiers, par le passé, à Sabadell, puis, quelques années plus tard, Dani Ballart a pris les commandes du banc de Sant Andreu et était désireux de voir le français dans ses rangs.
On connait bien Mathieu Peisson. Pour rappel, le joueur français a un palmarès déjà bien fourni. Il a été deux fois champion de France avec Montpellier et fait partie des 13 joueurs français qui ont participé aux JO de Rio en 2016. Le palmarès de Dani Ballart est quant à lui moins connu en France, du moins pour les plus jeune, et pourtant, il a obtenu la médaille d’argent aux JO de Barcelone (1992) avant d’être sacré champion Olympique quatre ans plus tard à Atlanta (1996). Il compte également trois titres de champion du monde.
Cette saison, la très jeune équipe de Sant Andreu, l’une des plus jeune du championnat, s’est faite sortir en quart de Finale du championnat d’Espagne. Un résultat somme toute encourageant au vu de la jeunesse de cet effectif.
Les deux hommes ont annoncé leur départ du club espagnol et cherchent un club pour la saison prochaine. En attendant, ils ont bien voulu se prêter au jeu de l’interview croisée.
France Water-Polo : Une saison qui se termine pour vous sur une élimination en quart de finale. Quel bilan tirez vous ?
Dani Ballart : Étant donné que nous étions la plus jeune équipe du championnat espagnol, le résultat était plutôt positif. Nous avons enregistré deux records au sein de notre club : franchir la barre des 36 points dans le championnat, et perdre 7 matchs ou moins. Avec l’un des trois budgets les plus bas du championnat, je suis très heureux de ce qui s’est passé.
Mathieu Peisson : En tenant compte de certains paramètres, à savoir l’équipe la plus jeune du championnat ( 19 ans de moyenne d’âge avec moi ) et un des plus petits budgets ( 95000€ tout inclus…) de Liga Premaat, je penses que nous sommes l’équipe qui a fait la meilleure saison cette année. Nous avons écrit l’histoire du club et c’est une excellente chose. Évidement, comme toujours, on peut se dire qu’on aurait pu faire mieux, mais au vu de tout ce qui s’est passé, on peut être plus que fiers du travail accompli ! Il n’y a qu’à regarder les stats de la saison pour s’en rendre compte. Nos résultats parlent d’eux mêmes !
FWP : Vous avez tous les deux annoncé votre départ de Sant Andreu. Qu’allez vous faire la saison prochaine ? Vous avez des propositions ?
DB : Je n’ai reçu aucune proposition. Je n’ai pas accepté de renouveler mon contrat avec Sant Andreu car nous ne sommes pas tombés d’accord avec le club. Je dois donc attendre de voir si un autre club sera intéressé par mon profil. Ce ne sera d’ailleurs pas un problème pour moi si je dois quitter l’Espagne.
MP : Je ne sais pas encore, je prends le temps et le recul pour prendre la meilleure décision. J’ai des propositions en Espagne et en France, j’attends de voir comment évolue tout ça. On verra bien !
FWP : Vous avez joué ensemble à Sabadell, il y a quelques années, et ces deux dernières saisons vous vous êtes retrouvés à Sant Andreu mais cette fois ci en tant que joueur (Mathieu) et entraîneur (Dani). Comment s’est passée cette nouvelle relation ?
DB : La relation n’a pas changé. Mathieu savait qu’en tant qu’entraîneur, je serais très exigeant comme je l’étais en tant que joueur. Je l’ai toujours considéré comme un joueur très polyvalent au talent incroyable. Je lui ai toujours dit que pour moi, il était le meilleur français de l’histoire. Maintenant, en tant qu’entraîneur avoir Mathieu était un cadeau. Un joueur qui se sacrifie pour l’équipe, toujours prêt à aider et à sauver ses copains de toute situation. Il a fait un grand sacrifice en venant jouer avec nous. Jouer aux côtés de jeunes de 18 à 19 ans, à son âge, demande beaucoup de patience. Mathieu est un modèle pour tous ces jeunes.
MP : Excellente ! Plus que des coéquipiers ou entraîneur joueur nous avons toujours eu une relation très forte et fusionnelle. On a la même façon de voir les choses dans la vie comme dans les bassins alors ça rapproche d’autant plus et cela fait que quoi qu’il se passe nous sommes toujours d’accord sur tout et c’est assez rare (rire). J’ai retrouvé le même entraîneur que lorsqu’il était joueur, quelqu’un de très professionnel, passionné, très exigeant envers lui même, qui se remet sans cesse en question, qui donne beaucoup d’amour et d’amitié autour de lui, tout ce dont a besoin un joueur pour s’épanouir. Jusqu’à aujourd’hui je n’ai jamais eu meilleur que lui… et pas parce que c’est mon ami, mais parce qu’en 26 ans de carrière et 18 ans d’équipe de France je penses avoir l’expérience suffisante pour le dire !
FWP : Allez vous continuer ensemble dans un autre club la saison prochaine ?
DB : J’en rêverais !! Il n’y a rien qui pourrait me rendre plus heureux. Mais malheureusement, cela ne dépend pas que de lui ou de moi.
MP : C’est notre rêve. Chaque fois que nous avons été ensemble nous avons accompli de grandes choses…
Je ne parle pas seulement de titre, car dans la vie toutes les grandes victoires personnelles ou collectives ne sont pas forcément récompensées par une médaille, mais nous savons ce que nous avons accompli et l’histoire nous le rendra un jour ou l’autre.
J’aimerais tellement rentrer en France avec lui c’est un entraîneur qui a tellement à apporter au water-polo français… Une nouvelle approche, une nouvelle façon de s’entraîner et de concevoir les choses. La France en a grand besoin, il faut arrêter avec les fonctionnaires et les dinosaures… Les joueurs ont des contrats sur tant d’années pour un projet, pourquoi les entraîneurs non ? Certains sont en poste depuis 10, 15 ou 20 ans et leur palmarès est encore plus petit que le mien. Peut-être est-il temps de se poser les bonnes questions et de mettre les bonnes personnes avec les bonnes compétences aux bons endroits.
Il serait temps de commencer à exiger un peu plus de ceux qui sont censés diriger et apprendre le water-polo qu’à ceux qui l’apprennent et qui jouent car « les soldats sont à l’image du commandement » à méditer .
FWP : Dani, que penses tu du championnat français et du water-polo français en général ? Aimerais-tu venir entraîner en France ?
DB : J’ai toujours aimé le championnat de France. J’aime la répercussion et le respect qu’il a pour les médias et ses fans. La France a un potentiel de croissance spectaculaire. Paris 2024 est à l’horizon et je souhaite voir le water-polo français lui proposer sa meilleure version dans son pays. La formation en France est l’un de mes souhaits. Mes valises sont prêtes. J’attends juste un appel.
FWP : Dani, quelles sont les trois plus grandes qualités de Mathieu ?
DB : Mathieu est respectueux, humble et a le sens du sacrifice. Les qualités qui vous conduisent à être un joueur incroyable.
FWP : Mathieu, quelles sont les trois plus grandes qualités de Dani ?
MP : Intelligence, Générosité et Humilité, c’est quelqu’un qui se donne entièrement dans tout ce qu’il entreprend, d’une grande intelligence et surtout d’une exigence envers lui même incroyable. Pratiquement tous les jours je l’ai vu préparer ses matchs et passer des heures au club, rester 4 ou 5 heures d’affilées, décortiquer toutes les séquences, monter des tactiques spéciales, récupérer des infos sur chaque équipe, chaque joueur et chaque gardien afin de donner la réunion la plus précise et complète possible. Ne pas dormir certaines nuits à en perdre l’appétit, je connais certains entraîneurs en France qui n’ont jamais fais 10% de tout cela. C’est ça la différence entre les grands et les autres !
Dani a été champion olympique, il sait ce que c’est et ce qu’il faut sacrifier et travailler pour en arriver là. Certains n’en ont même pas une vague idée.
La saison est planifiée depuis juin/juillet, chaque jour, chaque séance en fonction des matchs, rien n’est laissé aux hasard et même en cas de défaite il suit son plan plutôt que de faire nager 10km pour rien !
FWP : Et son plus grand défaut ?
DB : Parfois, il est trop généreux. C’est très altruiste et d’autres peuvent en abuser.
MP : Celui d’être trop généreux et de trop donner tout le temps dans tout ce qu’il fait et parfois il finit blessé et c’est quelqu’un qui ne le mérite pas.
FWP : Dani, en quoi penses tu avoir fait progresser Mathieu ?
DB : Ce serait plutôt à lui qu’il faudrait demander, mais je dirais que je lui ai donné l’amour que chaque entraîneur devrait donner à son joueur. Mathieu est déjà heureux et cela fait ressortir encore plus le meilleur de lui-même.
FWP : Mathieu, que t’a appris Dani ?
MP : Haha TOUT, ( presque 90%) aussi bien sur le water-polo que dans la vie, Dani est une personne comme celle que la vie met sur tout chemin pour faire de toi quelqu’un de meilleur, changer ton regard sur le monde et faire de toi la meilleure version de toi même, et quand il t’aime et te respecte c’est quelqu’un qui donne tout, car il voit le potentiel et le bon en toi même quand toi tu ne le vois pas et fait tout pour en sortir quelque chose de positif. Même quand tu le déçois ou n’en vaut pas la peine, quand le réservoir d’essence est vide il continue. C’est d’ailleurs ce qui a fait de lui un des plus grands joueurs au monde. Il a été champion olympique, champion du monde, c’est un entraîneur qui sait comment te conseiller dans tous les registres de jeu et de ta carrière car il a vécu les mêmes choses et ça c’est rare et un atout unique. Parfois la technique et la tactique ne suffisent pas et son plus c’est ça. Quand il te raconte sa carrière ou ses histoires, t’es comme un gamin la bouche ouverte et les étoiles dans les yeux et c’est ça Dani. On peut être un bon entraîneur sans avoir été un grand joueur mais ce supplément d’âme et de richesse font pour moi les grands entraîneurs et on n’en a aucun en France aujourd’hui qui soit capable d’apporter tout cela aux jeunes et au water-polo français.
FWP : Dani, en quoi Mathieu était il important dans l’équipe ?
DB : Personne n’est prophète dans son pays. Mathieu est une personne très directe et claire. Cela ne plaît pas à tout le monde, mais l’important est d’écouter ce qu’il dit. Et s’il vous dit quelque chose de différent de ce que vous pensez, écoutez-le. Il ne vous dira jamais rien qui puisse vous blesser. Mathieu est un amour et il le donne aux gens qui lui sont proches. Quand il parle, c’est pour essayer de s’améliorer.
FWP : Mathieu, en quoi Dani était il important dans l’équipe ?
MP : Dani était le socle, la base de notre pyramide. Sans lui rien n’aurait été faisable ni possible pour toutes les raisons que je viens de vous énumérer. Aujourd’hui si vous interrogez n’importe quelle fille, garçon, homme ou femmes que Dani a entraîné et que vous lui demandez quel entraîneur il aimerait avoir, tous répondront Dani Ballart.
FWP : Dani, en dehors des bassins, qui est Mathieu Peisson ?
DB : Mathieu a un cœur immense. Il est l’ami de ses amis. Les gens l’aiment. Il vous aidera toujours et il est toujours très apprécié du public, car ce qu’il fait dans l’eau laisse les gens bouche bée.
FWP : Nous avons coutume de terminer nos interviews par la question « vachement con » :
Dani, es-tu meilleur en Corrida que ne l’est Mathieu en combat de joutes ?
DB : Je dis toujours que je suis un pirate, un chasseur de trésors. Donc je pourrais dire que je suis un peu Jack Sparrow. Jack s’est bien battu sur le navire. Il se pourrait qu’il soit un bon combattant en mer (rires).
MP : Il tiendrait pas une seule minute sur une barque de joute et moi pas 10 secondes devant un taureau (rires).