Julie Eissen, Présidente de Noisy-le-Sec affiche ses ambitions

Interview réalisé

par

France-waterpolo.fr

 

Vous n’êtes pas du tout issue du milieu des piscines à l’origine. Comment êtes vous venue au Water-polo ?

Par mon milieu professionnel. Je souhaitais développer l’activité de ma société dans le 93 et cela implique de connaître et comprendre les acteurs économiques. Le CNN venait de mettre en place son club des partenaires, c’était l’occasion de rencontrer du monde.

Je suis arrivée à un moment où le club était en difficultés financières et la municipalité m’a demandé de reprendre le flambeau car il y a beaucoup d’attentes autour de cette association qui est l’une des plus importantes de la ville.

Vous avez fait du rugby à bon niveau. Est ce que cela vous a aidé à rapidement vous familiariser avec le Waterpolo ou est ce que c’est totalement différent ?

Oui, j’ai eu la chance de gouter au haut niveau rugbystique féminin il y a maintenant presque 20 ans et j’en garde un souvenir incroyable. Le rugby est un sport extraordinaire pour les valeurs humaines qu’il porte et l’abnégation de l’individu pour l’équipe. Pratiqué à l’époque en première division, on apprend énormément de choses sur le jeu, la technicité et soi-même. Je retrouve les valeurs, l’exigence et la discipline du haut niveau dans le water-polo à Noisy-le-Sec et ce sont des points essentiels pour moi. Je suis convaincue que la discipline dans le sport permet aux individus de se construire, d’avoir des repères en société ainsi qu’en milieu professionnel. C’est un des axes de travail qui nous est cher dans le 93 pour donner aux enfants le gout de l’ambition et du dépassement de soi mais en jouant collectif.

Il manque juste au water-polo la cohésion qu’on peut avoir au rugby en dehors du terrain et cet esprit festif de 3ème mi-temps. On tente de recréer un peu cela avec nos réceptions post-match mais on a pas trop de succès pour l’instant (rire). Je rêve dans le nouveau bassin d’avoir un club house où l’on puisse venir se retrouver… j’en ai déjà fait la demande au maire !

 

Quels changements avez-vous et allez vous apporter au club ?

Je suis là pour professionnaliser le club et le faire rayonner. Cela passe par plusieurs axes :

  • Consolider ses ressources financières en travaillant sur le développement de notre base adhérente pour le volet cotisation, développer le sponsoring et rechercher des subventions complémentaires en montrant aux institutionnels que nous sommes acteurs de notre territoire avec un réel projet socio-éducatif pour nos jeunes
  • Professionnaliser l’encadrement et les entraineurs afin d’améliorer le niveau des activités proposées aux adhérents, toutes activités confondues
  • Développer la communication autour du water-polo pour qu’on soit plus visible non seulement sur le haut niveau mais également sur la formation jeune qui est un des piliers de travail du CNN. Le haut niveau est stratégique pour le rêve et l’envie qu’il transmet aux enfants. Nos joueurs sont des exemples pour eux, cela leur donne un objectif d’évoluer dans la société et un joueur tel que Medhi Marzouki est un symbole de réussite à Noisy.

Mais ce projet de club ne pourra pas se faire de façon isolée dès lors qu’on est un peu lucide sur la situation du water-polo en France et la pression sur les créneaux de piscine. C’est pour cela que nous avons engagé un projet départemental appelé CERCLE 93 sous l’égide du comité départemental 93 au travers de la commission water-polo que j’anime avec le SDUS à Saint-Denis et le CNLG à Livry-Gargan. Ce projet doit permettre, en gardant l’identité des clubs des U9 aux U17, de mutualiser nos ressources pour développer le haut niveau masculin et féminin sur le département.

Seul avec le ballon devant une défense resserrée, on ne parvient à rien. C’est la situation du water-polo dans la FFN aujourd’hui. Il est essentiel de nous regrouper, au niveau régional pour notre travail sur les jeunes, et au niveau national avec mes homologues de PROA pour le championnat Elite. Il faut mettre nos forces en commun afin de développer ce sport qui est magnifique. Le water-polo a un potentiel médiatique énorme et sous exploité. Les tribunes des piscines devraient être remplies.

 

Quelles sont vos ambitions à court et long terme pour le club ?

A court terme, l’idée est vraiment de se structurer, de donner aux gens du club des cadres et repères de travail et de progresser ainsi chaque année dans les différents domaines que nous avons à exercer. Progressivement, nous allons monter en compétences et en moyens tant humains que financiers. On est parti d’un budget de 375 000 € il y a 2 ans, cette année on devrait tourner autour 600 000 €, et nous espérons pouvoir disposer d’un budget autour de 900 000 € à  terme pour accomplir tout le travail que nous voulons et mettre en place nos multiples projets, notamment sur les jeunes.

Mon ambition à long terme est que Noisy redevienne un véritable club formateur et que nous puissions évoluer en PROA avec des enfants du territoire auxquels on offrirait une chance de défendre les couleurs du CNN tout en leur proposant un contrat professionnel correct afin qu’ils puissent vivre de leur passion avant de rentrer dans la vie active.

 

À notre connaissance, vous êtes la première femme à avoir pris la présidence d’un club d’élite de Waterpolo. En tant que femme et ancienne joueuse de rugby, vous n’envisagez pas de créer une équipe Féminine à Noisy le Sec ?

Et bien c’est déjà fait ! Le sport féminin est un axe dans la politique sportive institutionnelle essentiel, j’y suis nécessairement sensible en tant que femme d’autant que j’ai pratiqué un sport plutôt masculin où la place des filles était des plus réduite, tout comme le water-polo. Malheureusement, on ne peut pas construire une section du jour au lendemain. Nous avons donc décidé de mettre en commun nos ressources de joueuses dans le cadre du CERCLE 93 et nous avons engagé la saison dernière une équipe féminine en championnat U13 honneur. Cela a bousculé un peu les habitudes mais on y est arrivé. D’ailleurs, Magali, l’une de nos bénévole, nous a dessiné un magnifique maillot qui est notre marque désormais. Et cette saison, toujours en mutualisant, fort de 60 filles de U9 à U15, nous avons engagé une équipe en U11 honneur et une équipe en U13 honneur. Via ma casquette d’administrateur à la Ligue Ile de France, dans le cadre de la commission water-polo, nous avons poussé pour la mise en place d’un championnat interdépartemental U11 et U13 exclusivement féminin pour permettre aux clubs de mettre le pied à l’étrier et proposer un projet aux filles.

Enfin, dans le cadre du CERCLE 93, nous avons la volonté de monter une équipe féminine en PROA à Saint Denis et rêvons d’avoir des filles qui joueraient en équipe de France pour Paris 2024 en étant originaires du 93. Mais pour cela, nous allons avoir besoin de l’aide de nos partenaires institutionnels.

 

Le Water-polo se déroulera à saint Denis (tout près de Noisy le Sec), lors des JO de 2024. Le CNN est le seul club francilien parmi l’élite. On imagine que vous serez très impliqués dans l’organisation de ces jeux. En quoi ce peut être un tremplin pour votre club ?

Effectivement, nous sommes énormément impliqués. Impliqués via le nouvel équipement de Noisy-Bondy qui doit recevoir un bassin de 50 m et un bassin de 33 m dédié au water-polo avec des tribunes, la future piscine ayant été retenue comme bassin d’entrainement pour le water-polo pour 2024. Impliqué via la piscine de Marville, futur bastion de notre discipline et sur laquelle nous organisons cette saison, avec le soutien du comité départemental 93, des regroupements U11 garçon ainsi que les entrainements filles U11 et U13 dans le cadre du projet CERCLE 93. Impliqué via les évènements que nous allons organiser en 2019, 2021 et 2023 à l’image des 24 h de Water-polo pour 2024 qui s’est déroulé fin juin à Saint Denis. Nous avons eu la joie d’accueillir sur un week-end l’équipe de France pour des rencontres avec les plus jeunes et un match contre l’Allemagne. La piscine a fait salle comble, de nombreuses personnalités du monde de la politique nous ont fait l’honneur de venir et cela nous a permis de communiquer à grande échelle sur notre discipline. Le département de la Seine-Saint-Denis, partenaire de l’événement nous a reconduit dans ce projet pour 2019 et nous travaillons déjà sur des choses super sympas…

Dès lors que je vous ai exposé ce qui précède, vous comprenez aisément que les JO sont un catalyseur pour le club mais aussi pour tout le water-polo du département et de l’Ile de France. On doit être le relai et le porte parole de notre sport pendant ce temps médiatique pour faire connaître le water-polo au public et mobiliser les élus sur la nécessité de nous laisser évoluer dans les piscines.

 

Question vachement con : si Noisy le Sec se qualifie pour une coupe d’Europe la saison prochaine, vous sautez du plongeoir de 10 mètres de la piscine de Montreuil après le dernier match ?

Je peux répondre oui sans trop de risque ! C’est impossible à si court terme quand je vois le travail qualitatif qui est fait par les clubs du haut de tableau. Comme je leur dis en réunion, nous avons beaucoup à apprendre d’eux et je prends énormément de plaisir à accompagner la PROA pour étudier ce qu’ils font. Au delà de l’aspect sportif indéniable et de leur qualité de jeu, quand je vois le travail de marketing et d’évènementiel qui est fait sur des clubs tels que Strasbourg, Aix ou Montpellier, je rêve de voir nos tribunes remplies et le public scander notre nom. Je parle beaucoup de l’évènementiel autour du match et du club car nous ne pourrons pas exister et nous ne pourrons pas survivre au regard de la conjoncture, si on ne se fait pas entendre. Et pour se faire entendre, nous avons besoin de monde qui nous suive. Mes homologues l’ont parfaitement compris.

Ceci étant dit, nous rejouerons un jour la coupe d’Europe mais nous devons nous préparer et travailler à faire augmenter le niveau du championnat Elite pour être mieux armés hors de France. Et là encore, la notion d’entraide inter-club et de travail en commun est essentielle pour y parvenir. Je pense que le water-polo se crédibilisera lorsque nous aurons un championnat à 12 resserré avec un haut de tableau qui peut envisager de gagner la coupe d’Europe. Pour y arriver, nous devons être unis derrière cet objectif commun.

Interviews 15 novembre 2017