Alexandre Camarasa « rien ne va tomber du ciel »
Interview d’Alexandre Camarasa
joueur de Marseille et de l’équipe de France
C’est un des faits marquants du Water-Polo français, Alexandre Camarasa, joueur emblématique de Marseille et capitaine de l’équipe de France, a mis un terme à sa carrière. A cette annonce, nombreux ont été ceux qui ont tenu à le féliciter tant il a donné à notre sport. 9 titres de champion de France, 5 coupes de France, une participation au Final 8 de la Ligue des Champions et surtout une participation aux JO de Rio et une victoire en Eurocup… Alexandre Camarasa ne pouvait que sortir par la grande porte.
Pour nous, il est revenu sur quelques moments forts de sa carrière et nous a même livré quelques anecdotes… mais avant celà, voici une petite vidéo récapitulative de sa magnifique carrière.
France Water-Polo : Une grande carrière qui s’achève pour toi. Quel a été ton sentiment au gong final du dernier match contre l’Olympiacos ?
Alexandre Camarasa : Beaucoup d’émotions et pas facile à gérer. C’était le match qui clôturait toute une énorme carrière avec le Cercle des Nageurs de Marseille. J’ai eu comme un sentiment de nostalgie et même de tristesse d’arrêter cette aventure et laisser mes coéquipiers. Mais j’ai essayé de le vivre du mieux possible, de capter chaque moment et de les graver dans ma mémoire. J’aurais préféré terminer sur une victoire bien évidemment, mais ça n’a pas pu le faire.
FWP : Entre les titre de champion de France, les sélections en équipe de France, la participation aux JO, l’Eurocup remporté en 2019, tu as eu une carrière très riche. De quoi es-tu le plus fier ?
AC : Ce sont les relations que j’ai tissées avec tout le monde. J’ai eu beaucoup de beaux messages lorsque j’ai annoncé la fin de ma carrière qui m’ont beaucoup touché. Je ne pensais pas recevoir autant d’affection. C’est une grande fierté que de laisser une telle image dans ce sport et une récompense magnifique car j’ai tout fait pour le faire progresser. C’est un sport magnifique et j’espère qu’il atteindra un jour la place qu’il doit avoir.
FWP : Comment es-tu venu au Water-Polo ?
AC : J’ai d’abord commencé par la Natation au Cercle des Nageurs de Marseille quand j’avais sept ans. Un jour, on avait bien nagé et le coach nous a donné un ballon pour nous récompenser. J’avais adoré et je me suis dit que je ne voulais pas jouer qu’une seule fois par an au Water-Polo mais tout le temps. C’est le côté ludique et sport d’équipe qui m’ont vraiment attiré et c’est vers là que je me suis rapidement tourné.
FWP : Te souviens-tu de :
– ton premier match de Water-Polo (chez les jeunes) ? Je ne me souviens plus trop. C’était très bien sûr avec le Cercle. Mais mon premier souvenir était lors des interzones à Angoulême, en 2000, avec la sélection Provence. Pour moi c’était des mini Jeux Olympiques. J’ai adoré y participer et jouer avec des amis. Il y avait des gens de toute la France. C’était mémorable.
– premier but chez les séniors ? C’était face à Tourcoing. C’était encore Nikola Stamenic l’entraîneur. Ça m’a marqué parce que j’ai exulté d’avoir marqué mon premier but chez les pros. D’ailleurs, j’ai tellement exulté que le coach m’a dit de me calmer sur le banc (rires). C’est une anecdote assez marrante mais je ne regrette pas d’avoir fêté ce but dignement.
– dernier but de ta carrière ? C’était lors de ce Final 8 contre Olympiacos sur une passe de Romain Marion-Vernoux, un joueur qui représente le futur du Cercle. Je suis content que ce soit un minot qui me fasse cette dernière passe. Pour une fois j’ai mis un but en finesse, juste l’histoire de faire un pied de nez à ceux qui me disaient que je ne savais pas marquer en finesse (rires).
– ton premier entraineur ? Le premier entraineur qui m’a fait passer les tests de Water-Polo était Olivier Dierstein, un ancien joueur de Marseille, et le premier réel entraîneur était Olivier Chandieu, un autre du Cercle. Ils m’ont tous les deux donné goût au Water-Polo. J’ai d’ailleurs retrouvé Olivier Chandieu quelques années plus tard puisqu’il était entraîneur de l’équipe première. C’était une super expérience. C’est un coach que j’apprécie énormément et si j’ai pu atteindre ce niveau c’est en partie grâce à lui. Il a su aller chercher mes limites et m’aider à les dépasser. Il m’a aidé dans ma construction et je l’en remercie.
– ta première sélection en équipe de France ? C’était à Aix-en-Provence contre la Serbie. Je marque d’ailleurs mon premier but. Je crois que c’était sous Petar Kovacevic. J’étais bien sûr très heureux. C’était génial car je représentais mon pays et c’était un de mes rêves. Un magnifique souvenir.
– ta dernière sélection en équipe de France ? C’était cette année, lors du tournoi final européen de la World League, contre la Croatie. Malheureusement ma fin de carrière en équipe de France s’est faite de manière un peu brutale. C’est un des seuls regrets que j’ai de ma carrière. Mais c’est la vie, c’est comme ça. Des personnes font des choix et je les accepte.
– ton compagnon de chambre en déplacement ? J’en ai eu plein. Un qui m’a marqué et que j’ai eu pendant longtemps en équipe de France et qui m’a marqué était Rémi Saudadier. Très bon compagnon de chambre, toujours au top sauf avec la climatisation mais je le pardonne (rires). C’est un très bon ami. J’ai vu qu’il avait signé à Noisy et je lui souhaite tout le meilleur.
– ton premier titre (toutes compétitions confondues) ? C’était surement un titre de champion de Provence mais les plus marquants étaient les premiers titres de champion de France jeune. C’est marquant car tu te dis que tu es champion de ton pays. Ça reste gravé à jamais et ça te donne surtout envie d’en gagner beaucoup d’autres. L’appétit vient en mangeant et l’appétit vient en gagnant et moi je suis un gourmand (rires).
FWP : Quel est ton meilleur souvenir poloistique ?
AC : J’en ai deux. D’abord, la qualification pour les JO. C’est mon souvenir le plus intense et j’ai encore des frissons aujourd’hui rien que d’en parler. C’est l’accomplissement et l’aboutissement d’énormément de travail avec un groupe de potes qui a rêvé de déplacer des montagnes. Ce n’était pas évident et loin d’être gagné, mais on l’a fait tous ensemble. Ce souvenir m’a changé la vie. Jouer les Jeux et en temps que capitaine c’est bien évidemment quelque chose qui marque. Le second c’est d’avoir gagné la coupe d’Europe avec Marseille. J’en avais rêvé on l’a fait avec beaucoup de minots du Cercle. Gagner une Coupe d’Europe avec mon club a été plus qu’une fierté parce que j’ai pu marquer son histoire. Le fait de ramener cette coupe à Marseille, à tous ceux qui nous aident et qui nous supportent était exceptionnel.
FWP : Ton pire souvenir ?
AC : J’en ai plein… Toutes ces défaites en finale de championnat ont laissé une trace. Quand c’est ta vie, que tu t’entraînes deux fois par jour, que tu travailles dur… ça pique de perdre. Mais ça m’a aussi donné la force de me relever et d’aller atteindre d’autres objectifs. Un autre mauvais souvenir était la fin en équipe de France. Ça s’est terminé sur un appel téléphonique. C’est quelque chose que j’ai du mal à encaisser, mais ce n’est pas grave, c’est la vie.
FWP : Que vas-tu faire désormais ?
AC : Je suis Auditeur financier chez KPMG. Ça fait un an que je travaille dans cette entreprise qui m’a permis de poursuivre le sport de haut niveau et l’équipe de France. Ils ont aménagé mon planning de travail pour que je puisse allier sport de haut niveau et métier de haut niveau. J’y suis très heureux car c’est une entreprise qui me fait penser au Cercle car elle vise l’excellence et pousse ses collaborateurs à donner le meilleurs d’eux-même et de performer. C’est quelque chose qui me plait de travailler ensemble et cette volonté de toujours vouloir aller encore plus loin.
FWP : Est ce un arrêt définitif ou est-ce qu’il y a une chance de te revoir dans les bassins ?
AC : Oui c’est un arrêt définitif, mais je pense que vous me reverrez au bord des bassins et dans les bassins pour les compétitions Nationale 3, parce que je suis en train de monter une très grosse équipe N3 et on va viser la monté, c’est sûr (rires), et peut-être même la Ligue des Champions dans quatre ans mais pour ça on garde encore la surprise.
Je serai toujours très proche du sport car je suis représentant des athlètes français au sein de la commission des athlètes avec le CNOSF. C’est quelque chose qui me tient à coeur… accompagner, aider les sportifs de haut niveau dans leur reconversion et dans leur statut. En ce moment je suis référent aux relations internationales institutionnelles, membre du groupe de travail sur la reconversion, le statut et la communication. Tout cela me pousse à avancer car je n’ai pas envie que ces sportifs galèrent dans leur pratique du haut niveau, dans leur quête de sponsor, lors de la retraite, ou lorsqu’ils sont blessés… Il faut être là pour eux car ils font beaucoup de sacrifices.
FWP : Quel conseil donnerais-tu à tous ces jeunes qui rêveraient d’avoir une carrière comme la tienne ?
AC : Bien travailler. Quand j’ai commencé, personne n’aurait misé un euro sur moi. Je n’avais pas le physique pour, pas de prédispositions, pas de talent. J’ai beaucoup travaillé, j’étais toujours à fond et à me remettre en question. La victoire aime l’effort. Plus tu travailles et plus tu as de chances d’atteindre tes objectifs. Rien ne va tomber du ciel. Va le chercher et prends le.