Interview de Michael Bodegas, le Franco-Italien
Interview de Michael Bodegas
Joueur au Pro Recco / Equipe Nationale d’Italie
(Interview réalisée par France Water-polo)
Salut Michaël. Merci à toi de nous accorder un peu de temps. On imagine que tes moments calmes sont rares. Tu as tout récemment été naturalisé italien. Comment ça s’est passé ? Qu’est ce qui t’as motivé à le faire ?
J’ai été contacté par Alessandro Campagna (sélectionneur de l’équipe d’Italie) dès mon arrivée à Brescia. Il m’a tout de suite exprimé son désir de me voir évoluer à ses côtés pour les championnats du Monde à Kazan. Pour cela il me suffisait d’arrêter un an sans compétition internationale.
Pour moi ce fut un réel honneur et une vraie fierté d’être demandé par une des équipes les plus titrées de ses dernières années.
Mais à cette époque j’avais été fraîchement nommé capitaine de l’équipe de France et je me sentais investi d’une mission : qualifier la France aux championnats d’Europe de Budapest (compétition a laquelle nous ne nous étions pas qualifiés depuis 11 ans).
J’ai donc refusé la proposition et j’ai passé un accord avec la Fédération Française stipulant qu’après l’éventuelle qualification et les championnats d’Europe je serai libre de changer de nationalité sportive.
Après le championnat d’Europe, j’ai été contacté par Paolo Barella (président de la Fédération Italienne et Président de la LEN)
J’ai vécu des moments extraordinaires avec les bleus, je ne les remercierai jamais assez, mais aujourd’hui j’ai 28 ans, et dans la vie il y a des opportunités qui ne se présentent qu’une seule fois et qu’on ne peut pas refuser.
Tu peux nous en dire un peu plus sur ton intégration en équipe Nationale Italienne. A quel poste vas tu jouer ?
Mon intégration s’est faite assez naturellement.
Le fait de jouer à Pro Recco aide beaucoup car la majorité de l’équipe nationale est composée des joueurs de ce même club. Puis ayant évolué deux saisons à Brescia, je connais pratiquement tous les joueurs de l’équipe. Donc ça a été assez facile.
Mais pour moi le plus important a été la confiance donnée par le sélectionneur dès le premier rassemblement. Il m’a tout de suite mis à l’aise et donner un rôle de leader.
En ce qui concerne ma position, je suis un électron libre.
Je débute comme défenseur pointe pour ensuite jouer en pointe puis poste deux ou poste quatre. Cela dépend de la physionomie des matchs.
Tu es en pleins Championnats d’Europe avec l’Italie. Vous avez une poule plutôt à votre portée dans laquelle vous faites figure de grands favoris avec l’Allemagne, la Géorgie et la Roumanie. Vous avez gagné vos deux premiers matchs face à l’Allemagne et la Roumanie. Quels sont vos objectifs ?
Notre objectif est de terminer premier de ce groupe pour ensuite avoir un tirage favorable afin d’évoluer sereinement dans cette compétition.
Le premier match est très important, il donne un signal à l’équipe et aux adversaires susceptibles de nous rencontrer.
Notre objectif principal est d’aller le plus loin possible et de décrocher le passage pour les jeux olympiques de Rio.
Comment s’est passée votre préparation ?
Nous étions en préparation depuis le 13 décembre. Nous avons effectué un stage de 12 jours en Australie où nous avons travailler tant physiquement que tactiquement. Quelques jours à Rome avec l’Allemagne.
Puis nous nous sommes envolé en Hongrie pour un tournoi pré compétition que nous avons remporté contre la Hongrie, l’Espagne et la Slovaquie.
On sait que ton ancien coéquipier en club et en sélection, Ugo Crousillat, a déjà été naturalisé Monténégrin et a participé aux Championnats du Monde de Barcelone avec cette même nation. Tu en as parlé avec lui j’imagine ? Il t’a plutôt encouragé ou parlé des aspects négatifs ?
J’ai vécu son expérience de très près car nous avons évolué un an ensemble à Brescia juste après son titre de vice champion du monde.
Ça n’a pas été évident pour lui car le Monténégro n’est pas l’Italie en terme d’intégration. La barrière de la langue et la différence de culture n’ont pas été évidentes à surmonter pour lui.
Il en garde tout de même un bon souvenir. Je l’admire beaucoup pour le courage qu’il a eu de partir et de revenir en équipe de France.
Tu cèdes donc ton rôle de capitaine de l’équipe de France à Alexandre Camarasa. Que lui as-tu dit (Conseils, encouragements…) ?
C’est comme un frère pour moi.
La vérité, nous n’en avons pas discuté, je sais juste qu’il a toutes les qualités nécessaires en tant que joueur et homme. Il y a aussi Rémi Garsau, Thibault Simon et Mehdi Marzouki qui sont des piliers essentiels à cette équipe
Ce sont des mecs extraordinaires. Alex sait ce qu’il a à faire.
Je regrette juste une chose, c’est de ne pas lui avoir annoncer en personne ma décision de changer de nationalité au moment voulu. Mais je sais qu’il me comprend nous n’avons pas besoin de parler pour se comprendre et il sait toute l’estime que j’ai pour le garçon qu’il est.
Qu’est ce que tu penses des chances de notre équipe de France ?
Depuis les derniers Championnats d’Europe à Budapest, la France ne cesse de progresser.
Il suffit de voir les résultats et les commentaires d’autres équipes avec qui j’en parle.
Je sais que je laisse un grand vide, et qu’avec moi tout aurait été plus facile.
Mais c’est une opportunité pour d’autres joueurs talentueux de devenir leader.
Je leur souhaite d’aller le plus loin possible et de décrocher le pass pour le tournoi de qualification olympique.
Je suivrai ça de très près. Je suis leur premier supporter.
Un message d’encouragement en italien ?
In bocca al lupo. (Bonne chance).
Parlons un peu de ton club. Tu joues aujourd’hui à Pro Recco, un grand nom du Water-Polo mondial, et juste avant à Brescia… Le Water-Polo italien est bien différent de ce que tu as pu connaître en France j’imagine. Quelles sont les principales différences ?
J’ai eu la chance d’intégrer immédiatement le top mondial avec Brescia.
L’unique différence entre la France et l’Italie est que l’on n’essaie pas de gagner, mais on a le devoir de gagner.
Pour le reste ils ont deux bras et deux jambes comme tout le monde. La France n’a rien à envier à l’Italie, il faut juste retrouver l’humilité nécessaire pour travailler dur.
Je pense que le fait d’avoir des clubs aussi prestigieux qui participent aux compétitions pour les remporter aide les joueurs italiens à être au top niveau.
Je joue aujourd’hui à Recco où est concentré tout ce qui se fait de meilleur en terme de waterpolo (Filipovic, Prlainovic, Pjetlovic, Ivovic, Sukno, Tempesti…).
Chaque entraînement est un challenge, il suffit de regarder autour de toi pour trouver la motivation.
Plus concrètement, qu’est ce qu’il manque à la France pour atteindre le niveau de jeu et de formation italien ?
Selon moi, la vraie différence réside dans l’équipe nationale. Une équipe nationale forte rend automatiquement le championnat plus attractif.
Il est difficile pour moi de donner une réponse concrète. Je ne suis personne pour me permettre de critiquer le système actuel.
Tout ce que je peux dire d’un point de vue extérieur c’est que les Italiens ont beaucoup appris des joueurs étrangers qui ont évolué dans leur championnat.
Moi même, à Marseille, ma progression je la dois aux joueurs étrangers qui m’ont inspiré tout au long de mes 13 années à Marseille.
Le fait de réduire le nombre d’étranger aurait du permettre aux clubs de concentrer leur budget sur des joueurs étrangers de niveau international.
Aujourd’hui les Français sont meilleurs que les étrangers alors que l’équipe de France ne fait pas encore partie du top 8 européen.
Comment se passe ton quotidien en Italie (horaires d’entrainement, récupération, loisirs, soirées…) ?
Ma vie est assez rythmée entre le Championnat, la Champions League, La World League.
Je n’ai pas le temps de m’ennuyer. On s’entraîne deux fois par jour avec deux séances de musculation par jour.
Mes soirées sont assez calmes : lire, composer de la musique, mais surtout récupération.
Lors de mes temps libres j’essaie de visiter ou revisiter une ville Italienne avec ma compagne (Pise, Milan, Florence…).
Tu as gardé des contacts en France ? Tu penses revenir jouer en Pro A un jour ?
Tous mes amis et ma famille sont en France. Si je devais revenir jouer en Pro A, ce serait sans aucun doute à Marseille. Ce serait normal de finir au Cercle, je leur dois énormément.
Mais ce n’est pas encore d’actualité.
As tu déjà pensé à ta reconversion après ta carrière de joueur ?
Oui j’y pense beaucoup.
Quand je jouais à Marseille j’ai déjà touché à autre chose que le Waterpolo.
J’avais un Bar/Live Music dans laquelle je donnais l’occasion à de jeunes artistes sélectionnés sur casting de se produire en public.
J’invitais aussi des artistes de plus gros calibres.
Je suis d’autant plus fier qu’un des groupes que je faisais jouer est actuellement en tournée pour leur premier album.
J’organisais des expositions de Street Art, des événements musicaux de 1000 à 4000 personnes.
Je pense reprendre dans ce domaine.
Au départ je pensais m’éloigner des bassins après ma carrière, explorer un nouvel univers.
Mais avec le temps je me rends compte que mes projets futurs sont compatibles avec le développement de mon sport ! Affaire à suivre…
Tu joues quel genre de musique ?
Soul, Hip-hop, Disco. Un peu de tout, ça dépend des jours. Sinon j’aime le Jazz.
On termine toujours nos interviews par la question « vachement con »… Au moment l’hymne Nationale Italien, est ce que tu seras plus Karim Benzema (Je ne chante pas même si je le connais), Christiane Taubira (« Je ne connais pas les paroles ») ou Lilian Thuram (qui chante faux, mais qui est fier de ses couleurs) ?
Je ne connais pas les paroles mais je suis fan de la mélodie.